Benjamin Blaquart

This Space Between You And Me

Vernissage jeudi 7 avril 2016 à 17h
Au collège Le Rimorin, Dornes

 

De toute part irrigué par les théories et fictions spéculatives, et en particulier par les écrits de Donna Haraway et Ursula K. Le Guin, le travail de Benjamin Blaquart s'incarne en des environnements hybrides, véritables écosystèmes où le langage, la technologie et la biologie s'influencent mutuellement. Convoquant autant les moyens d'ingénierie et de productions numériques que les matériaux du prosthétique, comme l'impression 3D, le silicone et la résine, ses objets brouillent la frontière entre sculpture, installation et prototypes scientifiques.

Au collège le Rimorin de Dornes, Benjamin Blaquart interroge la notion d'empathie et propose une exposition immersive, combinaison d'éléments organiques et inorganiques reliés entre eux, métaphore d'un système vivant parcouru de fluides vitaux.

 

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Exposition du 8 avril au 3 juin 2016
Contact pour les visites : Christophe Ravignot au 03.86.50.62.33

Collège Le Rimorin, 38 route de Decize, 58390 Dornes



Vues de l'exposition


Plan de salle


texte d'intention

Le genre de la science-fiction, en même temps qu’il a contribué à nourrir un imaginaire futuriste aux potentialités techniques débridées, a parallèlement alimenté une vision alarmiste de l’avenir. Ce qui aurait pu être le support idéal d’une pensée utopiste s’est ainsi souvent mué en fiction angoissée, décrivant des univers ruinés par les conséquences de l’hystérie progressiste de l’Homme. Pourtant, des spéculations plus optimistes existent. Un certain nombre d’études, telles que celles menées par l’auteure américaine Donna Haraway, ont ainsi participé à générer une réflexion futuriste positive. Les possibilités technologiques permises par l’évolution scientifique sont alors envisagées comme un outil puissant de redéfinition de la société.

 

Biologiste de formation, Donna Haraway a écrit en 1983 le Manifeste Cyborg (1), un essai au ton ironique dans lequel elle utilise cette créature hybride pour alimenter une critique sociale du genre. En effet, si le cyborg s’inscrit dans l’imaginaire collectif essentiellement dans le champ de la science-fiction (2), il fut employé dans ce texte en tant que concept permettant de servir une vision féministe de l’avenir. Son statut ambigu, croisement de corps organique et machinique, abat la distinction entre masculin et féminin, produisant des êtres « dénaturés » – c’est à dire libérés de tout déterminisme biologique. A partir de là, le mythe du cyborg permet d’appréhender un nouveau modèle de société, de décloisonner la répartition des rôles relative aux genres et de repenser en profondeur la relation que l’humain entretient à son environnement.

 

Loin des angoisses post-apocalyptiques ou des fantasmes d’augmentation de l’être humain, dont il juge la finalité plus conservatrice que franchement évolutionniste, Benjamin Blaquart développe une approche de l’hybridité bio/technologique au sein d’écosystèmes empreints de poésie. De toute part irrigué par les théories queer et les fictions spéculatives, et en particulier par les écrits de Paul B. Preciado et Samuel R. Delany, son travail convoque autant les moyens d’ingénierie et de production numériques que les matériaux du prosthétique, comme l’impression 3D, le silicone et la résine. Ses objets brouillent ainsi la frontière entre sculpture, installation et prototype, et se déploient à la manière d’organismes autonomes parcourus de fluides, reliant entre eux des corps hétérogènes, plantes aquatiques et micro-écrans opérés par Arduino (3).

 

Le dispositif conçu dans le cadre de l’exposition « This Space Between You and Me » se déploie comme une installation aux ramifications multiples. En son centre, comme un cœur autour duquel se branche un réseau d’artères plastiques, une cuve en résine alimente les différents « organes ». Métaphore d’un corps où coopèrent les unités vivantes et techniques, cet environnement autonome articule la notion d’espace séparant l’autre de soi, comme l’indique son titre. L’expression peut alors être investie de diverses interprétations : qui est l’autre ici ? Et qui parle ? La machine, l’homme, ou ce cyborg végétal, envahissant tout l’espace ? Tout reste ouvert.
Les textes (4) circulant sur les écrans offriront un début de réponse et nous aideront – peut-être – à imaginer, hors des horizons pessimistes trop facilement prédictibles, comment réinvestir la notion d’empathie dans un avenir déjà presque présent.

 

Franck Balland

 

(1) Pour la version française, voir Manifeste cyborg et autres essais. Sciences – Fictions – Féminismes, anthologie établie par Laurence Allard, Delphine Gardey et Nathalie Magnan, Éditions Exils, Paris, 2007.

(2) Les blockbusters des années 80 et 90, Terminator et Robocop en tête, ont démocratisé auprès du public une image d’hommes bioniques, aux capacités augmentées par l’attirail technologique qui leur a été implanté.

(3) Arduino est une marque de circuits imprimés qui se branchent à différents appareils afin de modifier leur programme.

(4) Les textes présentés dans l’exposition ont été écrits par Sarah Maison, Georgia René-Worms et Dan Meththananda. Nous les remercions chaleureusement pour leur participation au projet.


article du "quotidien de l'art" #1073

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