Emergence additionnelle d'une idée sur des marches en pierre, sous le soleil de Pougues :
un jeune Centre d'Art + une volonté de rayonnement hors les murs avec Valérie Pugin + un vaste espace disponible au collège devant être rasé = un projet de galerie.
Début d'écriture du dossier avec le soutien de M. Pierre, principal au collège.
Fin d'élaboration du dossier soumis à divers partenaires, dont le Conseil Général, le Rectorat et l'Inspection Académique.
Validation du projet et programmation des travaux.
Début des travaux.
Rencontre des élèves de l'atelier de pratique artistique avec l'artiste russe
Olga Kisseleva autour de l'exposition "Si loin, si proche"
au centre d'art contemporain de Pougues-les-Eaux.
Travail avec l'artiste sur place pendant deux jours sur la mise en place de l'exposition.
Les élèves dorment au milieu des oeuvres!
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Si loin, si proche… |
Dans la pièce « Where are you ? », Olga Kisseleva invite le spectateur à suivre un cheminement complexe qui le mène à s’interroger sur sa propre perception de l’ici et de
l’ailleurs, trouble sa définition du monde virtuel et du monde réel, le convie à éprouver simultanément ces deux états apparemment opposés : se déplacer et rester sur place. Comme
pour d’autres pièces antérieures, la question posée par le titre de la série nous renvoie à notre propre positionnement dans l’espace mais aussi, de façon plus large, dans le
monde social, culturel d’aujourd’hui. La s&eacu e photographies, puis l’appartement mis à disposition, nourrissent cette question en la situant à l’échelle de la planète, dans
un monde aux mêmes dimensions, à la même complexité que la toile du web.
La série de photographies se lit comme une succession d’images de lieux très reconnaissables : La cathédrale Saint Pierre , la Tour Eiffel ou la Statue de la Liberté, d’immenses
buildings, des quartiers commerçants asiatiques. Rome, Paris, New York ou Pékin semblent les localisations évidentes de ces images, mais cette identification sera bientôt démentie
par les titres, inscrits à la fin du parcours, qui indiquent le lieu réel de la prise de vue : Saint Pétersbourg, Las Vegas, ou San Francisco…Cette série que l’artiste a également
appelée « Les villes virtuelles » souligne ainsi les multiples « collages » culturels visibles en particulier à travers l’architecture. L’identité culturelle d’un pays est
morcelée, fragmentée ; on en trouve des bribes ailleurs, elle est aussi comme « parasitée » par d’autres éléments étrangers. Il y a des quartiers russes ou chinois partout dans le
monde, les monuments parisiens ou les palais vénitiens sont reproduits dans de grandes villes américaines. Olga Kisseleva se place ici d’un point de vue neutre et « innocent »,
ses photographies sont de simples constats. Elle laisse toute liberté d’interprétation : doit-on se féliciter de ce brassage culturel qui s’inscrit dans la réalité concrète, comme
un signe d’ouverture aux autres cultures ? Doit-on au contraire se révolter contre ces succédanés et ces caricatures qui ne font qu’appauvrir le sens de ces signes ? Un regard
plus attentif révèle la complexité de cette question, car chaque situation décrite par la photographie relève d’un contexte social, politique et culturel singulier. Nous ne
pouvons porter le même jugement sur la Tour Eiffel de Las Vegas, et le quartier chinois de Paris. Dans le premier cas, il s’agit d’un acte grotesque d’appropriation par une
culture dominante de l’un des monuments les plus visités au monde, qui cotoie dans la même ville des palais vénitiens, les buildings new-yorkais et les pyramides d’Egypte ; la
machine libérale américaine, dans cette ville du jeu, du factice, s’approprie, digère et réduit à des décors de Walt Disney ou de jeux vidéo les symboles de l’histoire européenne.
Quand il s’agit des quartiers chinois ou russes répartis dans le monde entier, c’est le processus logique d’un déplacement de la population qui est ainsi visible, une stratégie
d’appropriation de l’espace par une population minoritaire, qui reproduit à l’identique ses modes de vie, de circulation, son système commercial, son architecture. Le déplacement
physique, matériel s’opère presque comme un « copier/coller » dans l’espace réel, et marque aussi, dans ces situations précises, l’impossibilité pour une population à s’intégrer
et se transformer au contact d’une autre culture. Ici, c’est une stratégie de résistance, là, un acte de domination.
Après ces déplacements multiples proposés par les images, l’appartement offre une autre forme de voyage, en quelque sorte un « voyage immobile », la possibilité pour le visiteur
d’expérimenter un autre mode de vie en restant sur place. Le mobilier, les éléments ou objets décoratifs transportent l’occupant dans l’atmosphère d’une ville qui se trouve en
général sur un autre continent, un ailleurs qui sera activé par les outils de communication à disposition : journaux du jour, télévision, sites internet, radio. L’appartement
permet ainsi de saisir cette fois dans l’intimité ce qui caractérise la vie d’un habitant de Paris, de Saint-Pétersbourg ou de Malibu. Là aussi, le virtuel se mêle au réel,
puisque l’outil internet permet l’accès aux services du lieu concerné : on peut commander des produits, s’informer sur les plans de circulation de la ville en temps réel, sur les
spectacles, l’actualité, écouter les derniers tubes et connaître la mode vestimentaire. Olga Kisseleva opère ainsi la synthèse de deux mondes qu’elle parcoure et fréquente beaucoup depuis longtemps : le monde réel qu’elle a sillonné au cours de nombreux voyages, et le monde virtuel, lieu de plusieurs de ses œuvres. C’est surtout la question de l’identité et de la perception de celle-ci, identité sociale, culturelle, individuelle, qui est posée, sans que, à aucun moment, il ne nous soit proposé de réponse. La lecture des photographies, comme l’expérience de l’appartement, font saisir émotionnellement et intellectuellement la complexité, et parfois l’absurdité des profondes mutations du monde dans lequel nous vivons aujourd’hui, mutations réelles et virtuelles qui se contaminent mutuellement. Le lieu où nous sommes est de plus en plus incertain, il est fragmenté, ici et très loin, écartelé entre le poids historique des cultures et la vélocité des moyens de communication, qui modifie considérablement la perception globale que nous avons de notre propre place dans le monde. Olga Kisseleva renvoie le spectateur à lui-même, à son autonomie et à sa liberté d’être et de penser pour trouver sa propre réponse à la question. |